samedi 4 avril 2009

Vous avez demandé le Pôle Emploi, ne quittez pas... Épisode 2.

L'étape du "3949" est franchie. Avant même d'entrer dans le vif du sujet, je m'autorise un aparté à destination de ceux et celles qui arriveraient sur ce blog pour la première fois. Ce nombre n'est pas une nouvelle fantaisie tout droit sortie du cerveau d'un descendant de Vâtsyâyana. Non, c'est beaucoup moins excitant que cela. Ce n'est pas non plus un numéro qui vous permettra de donner votre voix à une chanteuse pré-pubère pour qu'elle atteigne une notoriété dont la durée, en jours, n'excédera pas son niveau de QI ou celui des producteurs de l'émission à l'origine du concours (soit moins de trois mois). Non, le seul point commun avec le radio-cr-hochet des temps modernes serait le niveau de surtaxe de l'appel. Car oui, le "3949" est un sésame téléphonique, celui qui est supposé vous ouvrir les portes du futur, celui du Pôle Emploi. Je sens que, comme Mageli, auteur du commentaire du message précédent (merci pour cela), les connaisseurs commencent à sentir leur ulcère se réveiller. Alors ne traînons pas et rendons nous à ce premier rendez-vous "physique" avec l'avenir, avec le Saint Calice promis par notre cher Président, ce Graal qui nous sortira de la crise et de la morosité ambiante : un emploi salarié. 

Dans l'épisode précédent, nous racontions comment j'accompagnais ma douce dans les méandres de la recherche d'emploi en France. Voici la suite des événements.

Photocopies de diplômes traduits et documents administratifs sous le bras, nous nous rendons à ce premier rendez-vous. Ma dulcinée, tchèque je le rappelle, me demande une énième fois si je pense que ça va vraiment l'aider, je lui réponds que non vu son parcours universitaire définitivement trop éloigné de la toute puissance du marché et du monde libéral dans lequel nous évoluons. Mais c'est un passage obligé, ajouté-je, ne serait-ce que pour que nos élites sachent combien de précaires vivotent tant bien que mal sur leur territoire.

Première surprise, le mot "Pôle Emploi" n'est mentionné nulle part sur la façade, et l'enseigne de cette échoppe où l'on est censé nous vendre du travail évoque cet acronyme passéiste décrié quelques mois plus tôt par les supposés réformateurs gouvernementaux : Assedic... Ma compagne s'en étonne, je fais diversion, la honte aux joues ("pays de merde", aurait dit la marionnette de Lionel Jospin aux Guignols de l'info).

Nous pénétrons donc dans l'enceinte de cette feue-Assedic, ma chère et tendre se voit remettre un questionnaire à remplir pour préparer l'entretien à venir (le même que celui proposé précédemment par l'ANPE, soit dit en passant). Quelques minutes plus tard, une femme entre deux âges nous appelle (non sans avoir allègrement écorché les nom et prénom de ma compagne, mais c'est un détail sur lequel je n'insiste pas, trop habitué que je suis à ce type de dérapages langagiers du fait de mes origines polonaises) et nous invite à passer dans son bureau. Ma promise lui tend le questionnaire sus-mentionné. Un "Oh, vous savez, nous n'en aurons pas besoin" tiendra lieu de réponse à cette main tendue. Nous nous asseyons, j'explique brièvement la raison de ma présence en ces lieux dédiés à la gaudriole administrative. L'entretien commence. Je passe sur les détails du type : "Vous venez de République tchèque, vous êtes russe, alors ?", ce n'est pas la première fois qu'on lui fait le coup, ma compagne rétorque poliment que non et croit bon ajouter avant même que son interlocutrice ne lui en fasse la demande : "Je n'ai besoin ni de visa, ni de permis de travail, la République tchèque fait partie de l'Union européenne et j'ai les mêmes droits qu'un Français depuis juillet dernier en ce qui concerne la recherche d'emploi."

Les civilités ayant été énoncées, la conversation se poursuit. Ma compagne lui demande si elle a besoin d'une attestation de sécurité sociale (comme on nous l'avait mentionné au 3949). L'agent nous répond par la négative et enchaîne : "Dans quel domaine voulez-vous chercher un emploi, mademoiselle ?". Et ma douce de répondre : "Je suis anthropologue de formation mais j'ai exercé le métier de chargé de mission, notamment au ministère de l'Agriculture tchèque, j'ai aussi fait de la prévention sur les questions sanitaires en milieu scolaire parce que je suis aussi diplômée en santé publique.
- Oui mais concrètement, c'est quoi le métier que vous voulez faire ?
- Eh bien, chargée de mission, coordinatrice de projet dans mes domaines d'études.
- Oulala mais je ne pense pas que ça existe sur mon logiciel, je vais vous lire quelques métiers et vous allez me dire lequel est le plus proche du vôtre."

Et là, nous demandons à nos lecteurs de verrouiller la ceinture de sécurité virtuelle de leur siège de bureau tant l'énoncé qui va suivre tient de l'exercice oulipien, en particulier quand il est destiné à une anthropologue tchèque, pratiquant cinq langues, venue en France pour travailler à l'Unesco ou pour une ONG, ou encore pour entreprendre une nouvelle thèse de doctorat...

"Donc vous me dîtes mademoiselle* : coiffeur, fleuriste, vendeur...
- Madame, je crois que vous vous trompez, dit ma promise un peu éberluée...
- Moi, je n'ai rien d'autre. Ah si, 'chargé de développement', ça vous va ?"

Va pour 'chargée de développement'. Et notre interlocutrice d'ajouter que c'est purement indicatif puisque ma compagne va rencontrer, sitôt après cet entretien, un conseiller qui va la guider dans sa recherche d'emploi et qui travaillera plus sur ses compétences propres. Nous voilà (un peu) rassurés. C'est sans compter sur l'appel que reçoit la conseillère au milieu de son clapotis logiciel pour faire entrer ma compagne dans les "cases". "Bon, ben, euh, finalement, vous recevrez un courrier pour rencontrer un conseiller ANPE.
- ANPE ? C'est quoi ?
- C'est l'ancien nom du Pôle Emploi, ça a changé, mais comme on n'a pas encore les papiers et que c'est dans des lieux différents, on préfère conserver Assedic et ANPE, c'est plus simple.
- ..."

Je m'étais tu jusqu'alors dans la mesure où je n'étais présent sur les lieux que pour éviter à ma douce de se retrouver noyée sous un vocabulaire administratif un peu trop abscons. Mais là, je commence à bouillir : "Ce que vous êtes en train de nous dire, madame, c'est que tout a changé sur le papier mais que, dans les faits, le Pôle Emploi n'est qu'une sorte de paravent tout juste bon à vous, et à nous, faire perdre du temps ? Je ne dis pas ça contre vous, j'essaie seulement de comprendre." Elle me répond penaude "Oui monsieur, malheureusement vous avez raison.
- Et, si je ne m'abuse, les documents estampillés "Assedic" que vous venez de remettre à ma compagne sont nuls et non avenus et n'ont aucune valeur juridique puisqu'ils n'ont pas la certification 'Pôle Emploi' ?
- Euh... Encore oui... Vous semblez au courant, monsieur ?
- Je lis la presse. Mais, croyez moi, je vous plains. Ce qui me dérange dans cette histoire, c'est que ma compagne est étrangère et que si je n'étais pas là pour l'aider, elle ne pourrait rien comprendre dans tout ce désordre.
- À qui le dites-vous...
- Bon courage alors.
- Merci monsieur et à votre compagne aussi. Vous recevrez très rapidement une date de rendez-vous avec le conseiller que vous n'avez pas pu voir aujourd'hui.
- Le rendez-vous aura lieu ici ?
- Pas sûr..."

Nous quittons ce lieu surréaliste, une carte de demandeur d'emploi pour ma douce en poche ainsi qu'un document certifiant qu'elle ne pourra pas être indemnisée, faute de compatibilité entre les services pour l'emploi européens.

Il ne nous reste qu'à attendre le courrier pour un rendez-vous avec un conseiller...


* Ami(e) lecteur(trice), ne crois(yez) pas que nous exagérions, ce que nous rapportons ici est la vérité dans tout ce qu'elle a de plus ridicule. Seul l'ordre des mots change. Nous nous excusons pour nos faux-pas mémoriels...

1 commentaire:

mageli a dit…

Je suis en train de suivre (subir) un bilan de compétences géré par le pôle emploi mais sous-traité par une entreprise extérieure. Dès le premier entretien la personne chargée de l'étude personnalisée s'étonne : vous habitez à Tignasse-les-bains ? mais nous avons un bureau là-bas, pourquoi ne vous a-t'on pas planifié les entretiens là-bas plutôt qu'ici à Villefonteigne ? Je n'avais bien sûr aucune réponse à lui donner vu que je ne suis pas censé savoir où sont les bureaux du sous-traitant du Drôle d'Endroit... pardon du Pôle Emploi, à part celle-là : sans doute parce que mon conseiller PERSONNEL du PE est sur Villefonteigne (sachez que bien sûr il y a un bureau du PE sur Tignasse). No comment...
Deuxième entretient : "j'ai analysé vos réponses au questionnaire... votre profil alliant pratique et esthétique correspond parfaitement au métier de designer, votre emploi actuel...
- mon dernier emploi, précisé-je
- oui, vous chercher à trouver un autre métier
- effectivement, il y a très peu d'annonces d'offre d'emploi dans mon domaine dans la région.
- je vais regarder dans mon listing de métiers...voyons ... voilà ce qui allie pratique et esthétique : coiffeur, ... paysagiste mais paysagiste c'est très physique... (là mon ego de mâle en prend un coup)
vous pouvez faire aussi graphiste, décorateur, styliste, ...
- mais tout ça fait partie de mon métier de designer !
- alors ce que je vous propose pour le prochain rdv c'est de me lister tous les métiers qui sont sous-entendus dans le terme "designer"
- ok, faisons comme ça et merci de votre aide...
quelle intrigue ! quel suspense ! la suite au prochain épisode... il y en a encore 5 et on connaît déjà la fin !

Enregistrer un commentaire