jeudi 11 mars 2010

Pérégrinations lilloises

Étonnant non ?

Pas grand chose à voir avec le sujet de ce blog mais la publication de cette photographie insolite prise à Lille le 7 mars 2010 est l'occasion pour nous de reprendre du "service".

mercredi 6 mai 2009

À la veille du week-end du 8 mai...

Cette image a été chipée sur le blog L'actu en patates de Martin Vidberg. Je trouve qu'elle donne une vision assez juste de la manière dont les Français sont perçus par les étrangers. En tout cas, ça a beaucoup fait rire ma compagne tchèque...

mardi 5 mai 2009

Vous avez demandé le Pôle Emploi, ne quittez pas... Épisode 4.


Avant de conclure cette tétralogie, les Cz'tis tiennent à remercier les lecteurs et lectrices qui suivent nos aventures et nous envoient leurs commentaires. Voici donc le dernier épisode de cette mini-série.

Donc c'est parti. Ma compagne va enfin pouvoir parler "emploi" en tête à tête avec un humain, pas une boîte vocale. Le service public va la sortir de l'ornière psychologique dans laquelle elle se trouve depuis plusieurs mois maintenant. Ma douce va jusqu'à espérer que des propositions d'emplois lui seront faites. Je préfère lui dire qu'il ne faut pas trop compter là dessus. On ne vit pas sur l'île aux enfants mais plutôt sur l'île aux fleurs (voir en fin de message). Ce qu'elle ne sait pas encore, c'est que les "1" et les "2" de la boîte vocale vont bientôt être remplacés par les "hein" et les "d...euh" de l'agent du Pôle Emploi.

Il doit y avoir du masochisme dans mon choix d'accompagner ma chère et tendre dans ses déplacements administratifs. À moins que ce ne soit la perspective de transcrire ici-même l'absurdité de certaines situations. Mais, pour le cas qui nous concerne aujourd'hui, nous sortons définitivement des problèmes technico-informatiques pour entrer dans le registre de l'incompétence pathologique. Pathologique voire dangereuse dans le sens où les informations fournies par notre interlocuteur vont s'avérer être complètement erronées et surtout d'un autre temps...

La convocation indiquait un rendez-vous à 9 heures. Mon employeur a une nouvelle fois fait preuve d'une tolérance rare (merci à lui) et m'a laissé à nos pérégrinations administratives au prix de quelques heures de récupération tout de même, mais c'est de bonne guerre.  Sous le crachin parisien et dans la grisaille francilienne des matins de printemps, nous sommes donc fidèles au poste, cheveux et vêtements humides. Une grille fermée nous accueille, nous et la dizaine de chercheurs d'emploi, têtes basses, âmes et dossiers en bandoulière, qui croyions naïvement que le fait d'arriver avec quelques minutes d'avance nous permettrait d'accélérer le temps, de compresser ces moments où honte, désespoir et dégoût se mêlent, ces minutes où l'identité est remplacée par un numéro d'identifiant, ces longues secondes où l'on ne vous regardera pas dans les yeux mais au travers des cases à cocher d'un logiciel antédiluvien.

9h15. La grille couine. Une employée baisse le pont levis non sans lancer un "Attendez, attendez, on n'est pas pressés." Et pourtant si. Nous le sommes. Pressés. 

Pressé, pressuré, preste à terre presque au sol, le demandeur d'emploi cherche le salut mais aimerait pour cela qu'on le laisse entrer, qu'il puisse entrer dans son box, dans sa boîte à l'abri des regards désolés et compatissants de ses coreligionnaires, implorant tous les dieux auxquels il ne croit plus. La solution viendra peut-être du désespoir. 

Pas aujourd'hui.

On nous demande finalement de nous asseoir dans le hall et de... patienter. Nous voyons cette affiche "Simples"... Nous en sourions, surtout lorsque nous apercevons ses petites soeurs "Unique" et "Rapide".

 

Les agents et les employés défilent devant nous sans même nous adresser un regard ou un "bonjour". Les uns parlent de mutation, les autres de congés-maladie, et celui qui va devenir notre interlocuteur (nous ne le savons pas encore à ce moment là) de s'empresser de vouloir montrer à ses collègues "un cas". Certes, mais en l'occurrence, le cas à traiter n'est pas celui-là mais celui de ma compagne qui finit par s'amuser de tout ça. Un "Vous avez vu l'heure ?" lancé par un agent zélé et la réponse "T'inquiète, ça passe..." de celui qui allait devenir LE conseiller individuel de ma douce concluent ces discussions entre collègues. Ce qui va passer beaucoup moins bien, c'est le "Soyez ponctuelle pour les entretiens, mademoiselle" qui s'immiscera dans la conversation qui va suivre. Mais ce n'est là qu'un détail parmi d'autres. Revenons en aux faits.

9h30 - Le conseiller au "cas" qui prévalait sur sa mission, la quarantaine bedonnante et le faux Lacoste sur les épaules, appelle ma compagne. Ni ma douce ni moi n'avons le temps de lui tendre la main qu'il me jette déjà à la figure :
"Mais vous êtes qui vous ?
- Je partage mon existence avec la demoiselle ici présente. Elle est étrangère donc je l'aide dans les démarches administratives parce que tout n'est pas facile à comprendre.
- Vous, je ne vous parle pas.
- Je ne suis pas là pour ça, je viens seulement pour rassurer ma compagne, pour lui préciser ou lui traduire les éléments qui lui paraîtraient trop obscurs. Faites comme si je n'étais pas là.
- Alors mademoiselle... Mais dites moi, vous avez mis du temps avant de venir nous voir*. Ne vous inquiétez pas, on va mettre tout ça dans l'ordre. Alors vous êtes qui ?
- Je suis tchèque. Je suis arrivée en France à la fin de l'année dernière pour venir m'installer avec mon copain et parce qu'on m'avait laissé entendre que j'obtiendrais un poste à l'Unesco, mais ça n'a pas eu lieu. Depuis je cherche du travail. Vous voulez mon CV ?
- Oh non, ce n'est pas la peine. Je n'ai besoin que de votre dernier emploi.
- Seulement ? Mais mon travail n'était pas directement en lien avec mes études, c'était plutôt alimentaire.
- Peut-être mais c'est comme ça que ça marche.
- Que faisiez-vous en Tchéquie ?
- En République tchèque, je travaillais pour le ministère de l'Agriculture, j'étais chargée de mission, je préparais la présidence tchèque de l'Union européenne.
- C'est bon, ça je l'ai sur mon logiciel."

Et le conseiller d'entamer un éventaire de compétences, plus obscures les unes que les autres. Et voyant ma compagne dans l'embarras de reprendre :
"C'est la liste des compétences que vous devez avoir pour être "Salarié agricole" et vous allez me dire si ça correspond. Alors... "Salarié agricole", vous devez connaître les circuits...
- Je n'étais pas salariée agricole, je travaillais pour le ministère de l'Agriculture. Ici, vous appelez ça "chargée de mission" ou "chef de projet", je crois.
- Bon, dans ce cas j'inscris "Chargé de mission auprès de la Présidence tchèque de l'Union européenne sur la politique agricole commune".
- Ce n'est pas vraiment ça...
- De toute façon, ça ne servira pas à grand-chose vous savez.
- Dans ce cas, vous pouvez laisser ça alors.
- Et sinon, vos études c'est quoi ?
- Je suis diplômée en anthropologie.
- En biologie donc ?
- Non, j'ai aussi étudié la biologie mais ce n'est pas vraiment la même chose.
- Bon, je vais écrire "Master anthropologie et biologie humaine".
- D'accord."

De mon côté, l'envie me vient de sauter par dessus le bureau et de faire avaler chaque touche de son clavier au conseiller, en conservant les quatre lettres A,N,P et E pour lui incruster au milieu du front. Ce que vous ne pouvez pas percevoir dans ces lignes, c'est le ton adopté depuis le début de l'entretien par notre interlocuteur : autosatisfaction, dédain pour ne pas dire mépris à l'égard de la personne qu'il a en face de lui. Il reprend :
"Et qu'est-ce que vous voulez faire ?
- Je voudrais travailler pour une agence internationale comme l'Unesco ou la FAO, parce que j'ai des compétences dans ce domaine et que je parle cinq langues.
- Et à part ça ?
- Je cherche des postes dans les associations ou les ONGs et puis, je prends contact avec des laboratoires de recherche pour voir si je peux reprendre un doctorat ici, à Paris.
- Il faut que vous sachiez que pour les laboratoires, il faut passer des concours.
- Non, je ne veux pas faire partie du personnel des laboratoires, je veux reprendre mes études."

Le bougre n'écoute pas et reprend :
" Alors je dois vous dire qu'il existe un nouveau moyen pour trouver du travail et ce moyen c'est internet. Tout passe par là aujourd'hui. Vous connaissez ?
- Euh oui, j'utilise internet tous les jours depuis des années. Comment croyez-vous que je fasse depuis mon arrivée en France ?
- Vous connaissez internet mais vous ne connaissez sans doute pas le site américain [je ne change pas un mot, ndla] dont je vais vous parler maintenant. Ce site s'appelle... Google. Vous tapez "biologie", "concours" et "service public" et vous allez avoir plein d'offres et vous saurez ce qu'il faut faire pour passer les concours. On se revoit dans un mois.
- Pour quoi faire ?
- Pour faire le point...
- Mais vous ne pouvez pas me donner d'informations ?
- Non, pas dans votre domaine.
- Au revoir mademoiselle, à partir de maintenant, votre emploi c'est de chercher du travail du lundi matin au vendredi soir sur Google, dit-il en lui tendant le récapitulatif imprimé depuis son logiciel, et, se retournant vers son collègue : je te dis, ça va passer." C'est sûr qu'en expédiant les cas en dix minutes, en prenant les gens pour des idiots et en ne cherchant pas à trouver des solutions, la journée va passer très vite.

Il nous fait sortir du box dans lequel nous nous trouvions et lance à la volée : "Vous savez ce qu'il vous reste à faire : Chercher et trouver."

Cet épisode peut sembler amusant de prime abord, mais il est plutôt pathétique puisqu'une nouvelle fois les propos ne sont pas déformés. Nous nous sommes contentés de ne pas mentionner le passage sur "internet et les bases de données" et celui sur l'attitude à avoir lors d'un entretien...

Pour information, nous sommes un mois plus tard et ma compagne n'a toujours pas reçu de convocation pour son second entretien mensuel...


* Voir les épisodes précédents.